SAMUEL ASCHER (ASZER)

Samuel Ascher (ou Aszer), connu aussi sous le diminutif de Samy, a vu le jour à Metz, le 23 mai 1928.
Il est issu de l’union de Herzson Aszer, né le 14 décembre 1900, à Varsovie, en Pologne, résidant au moment de son mariage 13 rue Clovis à Metz, et Chawa Tenenbaum, née le 20 août 1906, à Tarlow, en Pologne.
L’acte de mariage des parents de Samuel, conservé aux archives municipales de la ville de Metz (1E/d79) nous apprend les noms de ses grands parents paternels, Elias
Aszer et Chawa Broch, commerçants domiciliés à Varsovie en Pologne, et maternels, Izak Tenenbaum, commerçant et Cipa Lieberman, sans profession, domiciliés à Metz, 1 rue de la Grande Armée. On y apprend également que le père de Samuel était commerçant et sa mère représentante.
On sait, grâce aux archives de Moselle, dans un document où figurent les membres de l’association Kenesseth Israël, que les grands-parents maternels, Isek et Cipa Tenenbaum, venant de Pologne, sont arrivés à Metz, en 1924, après un passage par Varangéville, en Meurthe-et-Moselle (cote 304M112).


Les grands parents maternels de Samuel étaient installés au 1 bis rue de la Grande
Armée, à Metz. Ils y tenaient un commerce de confection pour homme. Le père de Samuel travaille-t-il dans la boutique familiale ? On ne sait pas. Il semble que la famille Aszer ait été très discrète à Metz.
La famille de Samuel demeure, quant à elle, 9 rue Ausone, à 2 km des grands-parents
Samuel est scolarisé au lycée Fabert, d’abord dans les petites classes : les archives départementales de la Moselle
possèdent son imprimé d’inscription en classe de 7°2, où il entre en qualité d’externe en octobre 1937, après avoir fréquenté le lycée de Jeunes Filles. Il est précisé qu’il passe les examens en français, signe
probable que le niveau acquis dans ses précédentes années de scolarité n’était pas
suffisamment bon pour qu’il soit admis directement dans l’établissement.
Dans les “renseignements divers“, on lit : “à tenir un peu fermement“, indication du caractère rétif de Samuel, qui se manifestera par la suite en classe de 6° par de multiples sanctions.

Il demande à être scolarisé dans la classe de Monsieur Theuret, dont nous avons trouvé une photographie datée des environs de 1933 (même si Samuel ne figure donc pas sur cette photo, on y voit son professeur et on prend conscience de la lourdeur des classes de primaire à cette époque).

Il semblerait qu’il ait été un élève un peu difficile et peu porté sur le travail scolaire, en témoignent les différents bulletins scolaires et travaux écrits de sa main conservés aux archives départementales de la Moselle.
Il obtient des résultats passables dans la classe de 7° (même s’il est noté qu’il a fait des progrès) comme nous l’apprennent les appréciations trimestrielles, ainsi que quelques-unes de ses copies de devoirs pour l’année scolaire 1937- 1938.
Au delà de ces résultats bien moyens, on notera à quel point il est émouvant de retrouver dans ces copies l’écriture appliquée d’un jeune enfant dont la vie va être brisée à peine quelques années plus tard…
En 1938-1939, il fréquente la classe de 6°B2 où il obtient des résultats scolaires peu glorieux, motivant des sanctions graves, puisqu’il reçoit en décembre 1938 puis en juillet 1939 deux blâmes du conseil de discipline, son bulletin du premier trimestre faisant état d’une « paresse générale qui a motivé une sanction grave ». Le proviseur ajoutant qu’il « espère que cet avertissement solennel sera compris qu’on changera radicalement de méthode » et qu’il a obtenu des résultats « faibles et compromettant le succès de l’année s’il n’y a pas de changement immédiat ».


Au deuxième trimestre, le proviseur note quelques progrès, mais qui sont « loin
d’être suffisants », « l’effort ne s’est pas étendu à toutes les matières et il y a des résultats encore très faibles. Il faut accentuer vigoureusement l’effort ; c’est à ce prix qu’on pourra arriver, à la fin de l’année, à approcher le niveau souhaité ».
Il semble néanmoins que Samuel n’ait pas fourni les efforts attendus, puisqu’il est
de nouveau sanctionné en fin d’année et reçoit un nouveau blâme du conseil de discipline en juillet 1939.
Samuel à Paris, la rafle du Vel d’hiv puis l’internement à Pithiviers :
Comme toutes les familles juives de Metz, la famille Aszer quitte la Moselle au début de la guerre et on la retrouve à Paris dès 1940, signe vraisemblable qu’ils avaient anticipé leur départ…
Un courrier du grand-père de Samuel, Isek Tennenbaum, daté de fin juillet 1942, conservé au Mémorial de la Shoah, à Paris, évoque le départ de Herzson, sa femme et ses deux enfants de la ville de Metz.
Les Archives de Paris possèdent une demande d’inscription pour Samuel, au lycée Rollin, à Paris (IXe), pour l’année scolaire 1940-1941. La classe indiquée est la 4ème B1 (cote 3769W90).
Herzson donne comme adresse le 125 Boulevard Richard Lenoir, Paris (XIe). On constate alors que l’ancien établissement de Samuel est aux Sables d’Olonne, en Vendée. La famille Aszer, après son départ de Metz, s’est-elle installée quelque temps en Vendée… ? On ne sait pas. Les archives départementales de Vendée n’ont pas trouvé trace de Samuel dans un établissement.
Le registre du lycée Rollin, année scolaire 1940-1941, nous révèle que Samuel, dit Samy, est inscrit en tant que demi-pensionnaire. Il choisit l’anglais et l’espagnol comme langues vivantes, en classe de 4°B1.
On voit également que leur première adresse parisienne (125 Bld Richard Lenoir) est raturée et remplacée par leur dernière adresse connue : 64 avenue Simon Bolivar, Paris (XIXe).
Ses professeurs indiquent une attitude irrespectueuse, des résultats insuffisants. Il reçoit un blâme après passage en conseil de discipline puis est exclu de l’établissement… (cote 3769W56) Samuel ne reste donc pas longtemps dans ce lycée. On sait qu’il est inscrit en octobre 1940 et il y reste jusqu’en avril 1941.

C’est la préfecture de police française qui communique par voie de presse et d’affiches.
Les « ressortissants juifs devront, en conséquence, se présenter dans les commissariats des quartiers ou circonscriptions de leur domicile, munis de pièces d’identité. »
Après son exclusion du lycée Rollin, Samuel arrive au lycée Voltaire dans le XI° arrondissement, dans un quartier limitrophe de leur domicile – 64 avenue Simon Bolivar (Paris, XIXe) – car il n’y a pas de lycée dans le XIXe arrondissement. A son arrivée le 26 avril 1941 , il est inscrit en 5ème 8 B. Le lycée a dû estimer que ses résultats ne lui permettaient pas de rester en 4ème.

Dans les années 1930-1940, le lycée est payant et seuls les élèves issus de familles aisées peuvent y
accéder. Toutefois, un système de bourses très efficace dans une école qui est alors vraiment
républicaine permet à des jeunes gens comme Samuel d’intégrer le lycée.
Entre 1932 et 1941, le proviseur se nomme Roger Rieumajou. Il a sûrement connu Samuel Aszer, scolarisé à partir d’ avril 1941.
Léon Zampa, concierge au lycée de 1914 à 1942 témoigne : « Tous les élèves ont le même emploi du temps : les cours commencent à 8h30 et se terminent à 16h30 avec une pause pour le déjeuner. Une étude surveillée accueille les élèves à 8h le matin jusqu’à 18h le soir. L’administration offre un goûter, du thé et des tartines, aux élèves qui y restent. La discipline est assez stricte, le bavardage et l’indiscipline sont sanctionnés par une colle le jeudi. Chaque trimestre, les élèves ont une composition par matière. […]
Chaque année, une solennelle distribution des copies fait l’objet de tout un cérémonial. »

il semble néanmoins que Samuel ait été peu assidu, puisque sur le seul bulletin
trimestriel que les archives de Paris
(cote 2689W36) possèdent de sa
scolarité au lycée Voltaire, pour l’année 1940-1941, après son entrée au lycée le 26 avril 1941, il est porté « absent » ou « n Cl » (non classé) dans toutes les matières.
Le 16 juillet 1942, la famille Aszer est arrêtée, à son domicile, lors de la grande rafle du Vel d'hiv
Survenue les 16 et 17 juillet 1942, la rafle du vélodrome d’hiver 35 ou rafle du vel d’hiv est la plus importante rafle de juifs organisée sur le territoire français. Cette rafle avait été préparée en amont par les autorités d’occupation conjointement avec
les autorités françaises : le préfet de police de Paris, André Tulard, concepteur du « fichier juif » indispensable pour connaître les adresses des juifs parisiens, avait dressé, neuf jours avant les événements, une liste de 24 ou 25 000 juifs étrangers,
essentiellement des apatrides (qui avaient été déchus de leur nationalité allemande, autrichienne ou polonaise par les nazis). Cette liste comprenait exclusivement des hommes de 16 à 60 ans et des femmes de 16 à 55 ans. Il avait été donné pour consigne d’épargner les femmes proches de l’accouchement ou allaitant, les enfants, les vieillards et les femmes des prisonniers de guerre ainsi que les familles dont un des enfants au
moins était non juif.
A quatre heures du matin, le 16 juillet 1942, la rafle est déclenchée. Ce sont 9000 fonctionnaires, dont 4000 policiers et gendarmes français, sous les ordres de René Bousquet, qui sont mobilisés pour cette opération nommée « vent printanier » et se présentent au domicile des juifs parisiens. Les consignes préalablement données d’épargner certaines catégories de personnes ne sont pas prises en compte, le « tri »devant se faire dans les centres de rassemblement. Conçue à l’initiative de l’occupant, mais menée de bout en bout par les autorités de l’État français, cette opération a également nécessité la mobilisation d’une soixantaine de cars de la police et de la TCRP (ancêtre de la RATP) pour l’acheminement des Juifs vers Drancy ou le Vel d’Hiv.
13152 juifs parisiens, dont 4115 enfants, 5919 femmes, 3118 hommes sont alors arrêtés, parmi eux des juifs français, soit deux fois moins que le quota fixé par les autorités allemandes et la préfecture de police. Cela s’explique surtout par des actes de solidarité, des gendarmes qui sont allés prévenir des familles que la rafle allait avoir lieu, des concierges d’immeubles ou des voisins qui ont caché des familles ou des enfants juifs. Les juifs arrêtés sont d’abord dirigés vers des « centres primaires de rassemblement », c’est-à-dire des gymnases ou des écoles, avant d’être envoyés à Drancy (pour les personnes seules et les couples sans enfants) ou, à partir du 19 juillet, au vélodrome d’hiver (où sont regroupées les familles avec enfants).
Ce sont alors 8160 personnes, dont une majorité d’enfants, qui vont s’entasser dans ce lieu où rien n’est prévu pour un séjour de longue durée. Les conditions de « vie » y sont sordides : pas de couchage, ni eau potable, ni nourriture, des toilettes qui sont rapidement bouchées et débordent dégageant des odeurs pestilentielles, un éclairage violent jour et nuit, des malades, des femmes qui accouchent, une centaine de personnes qui se suicident en se jetant des gradins les plus hauts… et pour s’occuper de tous ces pauvres gens seulement trois médecins et une dizaine d’infirmières de la Croix Rouge. Dans la confusion, quelques détenus parviennent tout de même à s’échapper. Mais le 5 août, les internés du Vel d’hiv sont déplacés vers les camps d’internement de Drancy, ou de Pithiviers et Beaune la Rolande dans le Loiret. Contrairement aux ordres initiaux, les enfants de moins de 12 ans accompagnent les adultes.
En août 1942, les mères sont enlevées à leurs enfants et déportées vers les centres de mise à mort nazis. Deux semaines plus tard les enfants sont à leur tour déportés vers Birkenau.
Il n’y eut qu’une centaine d’adultes survivants de cette rafle et aucun enfant. La rafle du Vel d’hiv a marqué une accentuation de la collaboration entre le régime de Vichy et l’occupant nazi à propos de la « question juive ». Mais elle a aussi entraîné une fracture de l’opinion française, jusque là massivement indifférente ou attentiste et poussée des Français vers la résistance.
Nous n’avons aucun moyen de savoir ce que Samuel et sa petite soeur Berthe (ou Betty) ont pu ressentir lors de cette rafle, néanmoins, des témoignages d’enfants rescapés du Vel d’Hiv peuvent nous permettre d’en avoir une petite idée :
Annette Krajcer, médecin, âgée aujourd’hui de 82 ans, et Maurice Rajsfus, 84 ans, écrivain, n’oublieront jamais. Ils faisaient partie des 4 115 enfants arrêtés les 16 et 17 juillet 1942 avec plus de 9 000 juifs étrangers adultes. Une rafle plus massive que les précédentes. Surtout, c’était la première fois que des enfants et des femmes étaient interpellés avant d’être
déportés vers les camps de la mort.
« L’épisode a été tellement douloureux que je témoigne surtout en mémoire des victimes », insiste Annette Krajcer, qui avait alors 12 ans. En ces funestes journées, elle est arrêtée avec sa soeur Léa, 14 ans, et sa mère au domicile familial, à Paris. Le père est absent, travaillant alors dans les Ardennes dans une société d’exploitation agricole.
Les deux parents étaient venus en France au début du XXe siècle avec leurs propres parents, qui fuyaient la pauvreté et les pogroms dans l’empire tsariste. « Nous avons été d’autant plus choquées, raconte Annette Krajcer, que notre mère, française de coeur et de culture, n’avait pas cru que dans ce pays, même occupé, des femmes et leurs enfants, pour la plupart français carnés ici, risquaient d’être arrêtés. »
Les deux fillettes ont la hantise d’être séparées de leur mère. Durant trois jours et trois nuits, elles vont rester enfermées dans des conditions très éprouvantes : « Nous étions dans le Vélodrome surpeuplé, sous une verrière chauffée à blanc, sans aucune structure d’accueil, sans sanitaires aménagés, sans eau, sans lait pour les petits, alors qu’il faisait très chaud, et dans un brouhaha continu… » Puis c’est le transfert, via la gare d’Austerlitz, au camp de Pithiviers (Loiret), en wagons à bestiaux clos, sous escorte de gendarmes français : « Nous avons découvert un camp avec clôture de barbelés, miradors et baraques en bois alignées où des hommes juifs étrangers arrêtés à Paris en 1941 avaient été auparavant internés. »
Dix jours plus tard, c’est la dislocation des familles tant redoutée par les deux soeurs. Les parents sont envoyés à l’Est. Le premier convoi, le 31 juillet, est en majorité composé d’hommes. Le convoi des mères partira le 3 août. « Aveuglée par les larmes, désespérée par notre impuissance, confie Annette Krajcer, j’étais dans une telle souffrance que je ne voyais rien d’autre que notre mère s’éloigner. Bien des années plus tard, devenue mère moi-même, j’ai souvent
pensé aussi à la douleur que celles-ci avaient dû éprouver. »
Le 15 août 1942, un millier d’enfants de Pithiviers sont convoyés à Drancy avant d’être déportés vers les camps d’extermination. Annette et Léa assistent alors « avec effroi » à la tonte des cheveux de ceux qui devaient partir dans un premier convoi. Devant faire partie du convoi suivant, elles échappent in extremis à la déportation grâce à l’intervention d’une cousine, secrétaire du directeur juif du camp, qui a fait disparaître leurs noms de la liste. Libérées en septembre, elles sont recueillies par leur grand-mère maternelle, française. Puis, en janvier 1944, elles sont cachées dans une institution catholique de Maisons-Laffitte. (Yvelines), avant de retrouver leur père à la Libération, et après avoir attendu en vain leur mère.
Maurice Rajsfus doit également à un concours exceptionnel de circonstances d'être resté en vie. Le 16 juillet 1942, à 5 heures du matin, deux policiers frappent à la porte du petit
appartement où il habite avec ses parents et sa soeur Jenny, de deux ans son aînée, dans un quartier populaire de Vincennes, dans la banlieue Est de Paris. L’un des deux agents était,
l’année précédente, un voisin de palier de la famille.
« Nous n’avons pas été surpris, se remémore l’écrivain. Cela faisait des mois que le bruit d’une nouvelle vague d’arrestations courait. » Même s’ils n’en montraient rien, les parents de Maurice étaient inquiets. Juifs polonais arrivés en France au début des années 1920, ils n’avaient pas oublié la violence des persécutions dans leur enfance. Ils étaient sans nouvelles de deux frères du père de Maurice, arrêtés en mai 1941 à Paris. Et le port de l’étoile jaune, obligatoire depuis le 7 juin en zone occupée, ne laissait rien augurer de bon.
La famille Rajsfus va, dans un premier temps, être dirigée avec d’autres personnes dans un pavillon réquisitionné à Vincennes. Contre toute attente, en milieu d’après-midi, peu avant un transfert pour le Vél’ d’Hiv, un policier vient annoncer la possibilité pour les enfants nés en France de recouvrer la liberté. Les parents de Maurice et Jenny leur intiment aussitôt l’ordre de profiter de la proposition.
Les deux adolescents ont vécu le reste de la guerre sans leurs parents, qu’ils ne revirent jamais.
« Cette rupture brutale m’a davantage éprouvé que l’arrestation du matin », rapporte Maurice Rajsfus. Devenu journaliste, il publie, à partir des années 1980, plusieurs livres sur l’Occupation mettant notamment en cause la police pour son rôle durant cette période.
Aux archives nationales, se trouvent les fiches du fichier juif établi grâce au recensement. On découvre que lors du recensement, l’administration a enregistré leur nom de famille orthographié « ASCHER » alors qu’à Metz, l’orthographe utilisée est bien ASZER.
Sur les fiches de Herszon et Chana (Chawa), extraites du Fichier juif, on trouve l’indication suivante : « arrêté(e) le 16.7.42» (Archives Nationales, cote F9-5605)
La famille Aszer se retrouve enfermée au Vélodrome d’Hiver comme toutes les familles raflées. On ne sait si Samuel a réussi à échapper à la rafle ou s’il s’est enfui du Vel d’Hiv, comme ont pu le faire d’autres enfants, toujours est-il qu’on le retrouve le 19 juillet à près de 400 kilomètres au Sud-Est de Paris à Montceau-les-Mines, où il est arrêté par des douaniers allemands, vraisemblablement sur la ligne de démarcation.

La ligne de démarcation en Saône et Loire
On voit nettement que la ville de Monceau-les- Mines, en zone occupée, est très proche de cette « frontière », passage vers la zone libre et une
relative liberté pour les Juifs en 1942.38
Il est donc très vraisemblable que
Samuel a bénéficié d’une aide
extérieure (un enfant de 14 ans ne
peut à l’évidence parcourir seul
les quelque 400 kilomètres qui
séparent Montceau-les-Mines de
Paris en trois jours) et qu’il a tenté
de passer la ligne de démarcation,
comme l’indique l’une de ses
cousines, Valérie Tennenbaum, dans
les documents déposés sur le site de
Yadvashem, en 1992.

Le registre d’écrou des personnes appréhendées par les autorités allemandes du commissariat de police de Montceau-les-Mines, nous apprend que Samuel est arrêté le 19 juillet 1942, à 7h30 précises.
Il reste à Montceau jusqu’au 23 juillet 1942, 13h, puis il est transféré à la prison de Châlons-sur-Saône. Nous savons qu’il y reste jusqu’à la fin du mois de juillet 1942 puisque sa fiche d’entrée au camp de Pithiviers est datée du 1er août 1942.
Sa soeur Berthe et ses parents, Herzson et Chawa,
avaient quant à eux été transférés, depuis le vélodrome d’Hiver, au camp d’internement de Pithiviers le 20 juillet 1942, comme indiqué sur leur fiche.
Comme toutes les familles, nous imaginons que le père a dû être séparé de sa femme et de sa fille


Le père de Samuel , Herzson Aszer est déporté par le convoi n°13. Il part de Pithiviers le 31 juillet 1942, destination Auschwitz. Alors que Samuel arrive dans le camp de 1° août.
La mère de Samuel, Chawa Aszer, née Tenenbaum, est déportée par le convoi n°14. Elle part de Pithiviers le 3 août 1942, destination Auschwitz.
Samuel a-t-il vu sa mère Chawa ou sa soeur Berthe lorsqu’il est arrivé à Pithiviers ? Ont-ils su l’un et l’autre qu’ils étaient dans le même camp ?
Autant de questions qui resteront à jamais sans réponse…
Il est cependant possible d’envisager, d’après ce qu’écrit un autre déporté, qui a rencontré la petite Berthe
(ou Betty) à Pithiviers en septembre 1942, que Samuel a pu revoir sa soeur dans ce camp d’internement. On peut, en
effet, lire dans l’ouvrage de Sylvain Kaufmann, survivant du centre de mise à mort de Birkenau, intitulé « Au delà de l’enfer », les phrases suivantes (avec une erreur –bien pardonnable- concernant l’âge de Samuel) :

Alors que les parents de Samuel et Betty ont déjà été déportés de Pithiviers vers Auschwitz-Birkenau (leur père par le convoi n°13 parti le 31 juillet 1942, leur mère par le convoi n° 14 en date du 3 août 1942), le grand-père maternel des
enfants, Isaac Tennenbaum, installé à Nîmes, tente de les faire sortir du camp d’internement.
Il adresse dans ce but un lettre au secrétaire général de l’UGIF à Marseille, dans lequel il lui demande d’intervenir en faveur de « ces malheureux enfants ». Cette lettre reçoit l’appui du grand rabbin de Colmar ; E. Weill, qui ajoute en marge « je me
permets de vous recommander spécialement M. Tennenbaum, famille fort intéressante et respectable ».

Il reçoit le 21 août pour seule
réponse du secrétaire du Directeur Général de l’UGIF de Marseille une courte lettre dans laquelle celui-ci accuse réception de la
missive de M. Tennenbaum, et lui demande seulement de bien « vouloir fournir à nouveau » la dernière adresse de la famille Ascher, sans qu’il soit fait mention du sort des deux enfants.
S’ensuit alors, le 23 août 1942 un
nouveau courrier du grand-père de
Samuel dans lequel il donne les
renseignements demandés (avec toutefois un certain manque de précision quant à l’adresse puisqu’il note seulement « 64 avenue Simon 64 » au lieu de « Simon Bolivar »)

Au dos de ce courrier se trouve une
lettre du grand rabbin de Colmar, qui
insiste sur le fait que Monsieur
Tennenbaum est « un homme fort
honorable ; accablé dans presque tous les membres de sa famille par les épreuves qui nous frappent, surtout désolé du malheureux sort de ses petits enfants internés à Pithiviers ».
Cet échange épistolaire reste
malheureusement sans aucun effet sur le destin de Samuel et de Betty…
D’autant qu’à la date de la dernière lettre de son grand-père, Samuel a déjà quitté Pithiviers pour Drancy, antichambre de la déportation vers Birkenau.

Cinq convois sont partis de Pithiviers directement à destination du centre de mise à
mort de Birkenau :
- le 25 juin 1942, le convoi n°4 ;
- le 17 juillet 1942, le convoi n°6 ;
- le 31 juillet 1942, le convoi n°13 avec 690 hommes, 359 femmes, 147 enfants ;
- le 3 août 1942, le convoi n°14 avec 52 hommes, 982 femmes, 108 enfants ;
- le7 août 1942, le convoi n°16 avec 198 hommes, 871 femmes, 300 enfants
D’autres trains, partis de Pithiviers les 15, 22, 25 août et le 21 septembre 1942 ont emmené des internés vers Drancy. C’est à partir de Drancy qu’ils ont ensuite été déportés vers Auschwitz Birkenau.
Le 11 août 1942, l’untersturmführer Ahnert adresse au département IVB4 du RSHA43 (Reichsicherheitshauptamt)
un télégramme demandant l’autorisation d’un transport d’enfants juifs présents dans les camps d’internement en France.
Ainsi, Samuel Aszer, transféré de Pithiviers à Drancy 45 le 22 août 1942, dans le
wagon 19, part le 26 août, par le convoi n°24… il a 14 ans.
Le convoi n° 24, qui part de Drancy pour Auschwitz le 26 août est composé de
360 enfants juifs détenus dans le camp de Pithiviers depuis leur arrestation le 16
juillet. On voit sur le graphique ci-dessous que la grande majorité d’entre eux a moins de
12 ans.

Ernst Heinrichsohn, responsable du convoi, envoie un télex confirmant le départ du train désigné D901-19 en provenance de la gare du Bourget-Drancy pour Auschwitz, le 26 août à 8h55 avec à son bord 1000 Juifs. Le chef du convoi est le
sergent Muller. Selon l’horaire du premier convoi ayant quitté Drancy au mois de juin 1942, ce convoi prend vraisemblablement le même trajet. Suite à son départ de Drancy, le train continue vers Bobigny, Noisy-le-Sec, Epernay, Châlons-sur-Marne, Révigny, Bar-le-Duc, Lérouville et Novéant, le dernier arrêt avant la frontière. Jusqu’à la frontière, le train est escorté par la gendarmerie française et un petit contingent de la Feldgendarmerie. À ce point, la garde est assurée par l’Ordnungspolizei.
Ils ont probablement emprunté le trajet suivant, une fois passé la
frontière franco-allemande:
Saarbrücken, Frankfurt-Main,
Dresden, Görlitz, Nysa, Cosel et
Katowice avant d’arriver à
Auschwitz. C’est le premier convoi
à s’arrêter à Cosel, à proximité
d’Auschwitz. À Cosel une sélection
a lieu et les Allemands font
descendre les hommes valides qui
sont envoyés dans des camps de
travail situés dans la région.

Arrivés à Auschwitz- Birkenau le 28 août, 27 hommes sont sélectionnés pour des travaux forcés et tatoués des numéros de 62093 à 62119. Trente-six femmes sont sélectionnées et sont tatouées des numéros de 18609 à 18644. Selon Serge Klarsfeld, on dénombrait 24 rescapés de ce convoi en 1945.
Âgé de seulement 14 ans au moment de sa déportation Samuel Ascher a très certainement été assassiné comme les autres enfants de son convoi, dès son arrivée au centre de mise à mort de Birkenau. Son acte de décès officiel porte
d’ailleurs la date du 31 août 1942.
Samuel Ascher
sur le Mur des Noms
au Mémorial de la Shoah
